Pour une nouvelle position de la France en Afrique

1. Etat des lieux

 

 

La France doit faire table rase de ses anciennes notions de partenariat avec l’Afrique, telles que la colonisation, la coopération des années 1960 à 1980 et la négligence et le dédain de 1980 à 2000.

 

Le réveil, depuis 2000 de son intérêt pour le continent africain, est essentiellement du à une inquiétude quant à la menace de perte de ses sources d’approvisionnement en matières premières, menace induite par des pays émergents comme la Chine et l’Inde. Malheureusement, cette reprise de conscience tardive de la France, fait qu’elle ne dispose plus des hommes capables de comprendre et d’orienter un nouveau partenariat avec les pays africains. Les hommes et les femmes qui sont aux « affaires africaines » actuellement, ne connaissent pas ce continent ou si peu. Certains y sont nés mais l’ont quitté très jeunes, d’autres n’y ont jamais vécu et se contentent d’utiliser les recettes post coloniales des années 1960, évidemment inadaptées à la situation actuelle sur le terrain.

 

La révolution des médias et du numérique a complètement changé la donne sur ce continent. Les infos, politiques, économiques et culturelles arrivent en temps réel. Nul ne peut rester dans l’ignorance même au plus profond de la brousse, et peut même s’exprimer dans des blogs et des forums qui seront visibles par le monde entier. Nos responsables ne semblent pas avoir réalisé cette transformation !!!!! De même, qu’ils ne l’ont pas réalisée chez nous et continuent d’agir comme si le peuple n’existait pas.

 

Le résultat dans la pratique est une mauvaise appréciation des réalités locales et des hommes, qui a amené des prises de décision catastrophiques. En ajoutant à cela, la délégation aux organismes internationaux de l’aide et de la gestion du développement, cela a abouti à des crises diverses en Côte d’Ivoire, au Niger, en Tunisie, en Guinée, etc.………

 

Pour corser le tout, « la communauté internationale », terme complètement anonyme mais à la mode, introduit sur le continent, des conditions aux prêts et aux aides qui sont dispensés: la bonne gouvernance, la démocratie, la lutte contre la corruption, la libéralisation de l’économie et les droits de l’homme, etc.……….. . Je ne vais pas m’étendre sur la justesse de ces critères mais sachant que ceux-ci sont des importations gréco-romaines, étrangères et mal adaptées à la culture du continent, ils n’ont fait que compliquer la situation des occidentaux et de la France par la même occasion. De plus voyant que ces critères que l’on veut imposer aux africains ne sont pas respectés par leurs mentors, on connaît la suite !!!!!!!!!!

 

En conclusion, le peu de bonnes relations que la France avait tissées pendant la période coloniale et post coloniale a été anéanti en quelques décennies.

 

 

2. Que faut-il faire ? Des propositions de solutions

 

a) Les hommes

 

Trouver les hommes en France et en Afrique capables de poser les bases d’une coopération franche et sincère entre la France et l’Afrique, avec l’accord des deux partenaires. C’est probablement la chose la plus difficile. Il faut :

 

• constituer des équipes polyvalentes capables de mettre en place des projets lucratifs sur des bases égalitaires de partenariat.

 

• Des hommes connaissant l’Afrique pour y avoir travaillé en milieu multiculturel pendant plusieurs décennies, dans des structures privées et étatiques ou paraétatiques.

 

• En place de projets de développement ou d’ONG, créer des structures rentables soit en société soit en coopérative. Pour cette option, je pense qu’il y a une opportunité de deuxième carrière pour les seniors français et africains qui veulent faire profiter de leur expérience, tout en gardant une activité.

 

b) La politique

 

Sur le plan politique, il est indispensable que les états africains choisissent leur forme de gouvernement et de démocratie, basée sur leurs racines culturelles, c'est-à-dire en réintroduisant la chefferie traditionnelle et l’arbre à palabre. Le niveau d’intervention de ces organes peut être un sénat ou une cour suprême, si cet organisme existait aujourd’hui il n’y aurait aucun problème en Côte d’Ivoire. « La Constitution » d’un état africain devrait intégrer ces valeurs.

 

Le rôle de la France peut être d’aider les états par une coopération transparente, à leur demande, à adapter les lois fondamentales actuelles à ce nouveau modèle constitutionnel. Sachant que le rôle du chef est primordial en Afrique, il est indispensable qu’il ressorte d’un consensus, et par conséquent d’un régime parlementaire plutôt que d’un régime présidentiel.

 

Plus généralement et à tous les niveaux de la vie sociale, il est important de réintroduire ces notions morales et civiques de la culture originelle des populations concernées. Il est par ailleurs primordial que les responsables politiques français évitent toute ingérence dans la vie politique des états.

 

c) L’économie

 

Sur le plan économique, la France doit entreprendre des relations de partenaire d’égal à égal avec l’Afrique et de fraternité avec l’Afrique francophone. Les échanges doivent être gagnant-gagnant pour les deux parties. Par exemple, elle peut exploiter des matières premières mais en contrepartie installer des infrastructures permettant d’en faire un produit fini et/ou semi-fini sur place, développant ainsi le tissu industriel local.

 

Pour les PME/PMI, l’Etat français doit garantir et encourager le croisement des intérêts et le développement de leurs investissements en Afrique. Cela peut se faire par l’intermédiaire des chambres de commerce franco-africaines qu’il faut redynamiser et par les collectivités locales et territoriales françaises et africaines.

 

 

  • L’agriculture

 

L’agriculture doit être recentrée en priorité sur les produits alimentaires nécessaires aux populations africaines, les cultures à caractère industriel ou commercial venant en complément de revenus. La constitution ou la réintroduction de coopératives paysannes gérées selon des méthodes comptables rigoureuses est indispensable.

 

On peut envisager de développer des liens de partenariat avec des coopératives françaises soit pour la commercialisation des produits, soit pour une assistance technique. Cela permet d’éviter d’avoir des courtiers ou intermédiaires qui interfèrent dans les marchés. Les tractations d’affaires pouvant se faire par internet ou directement par des voyages organisés qui seront moins coûteux ou plus productifs que les honoraires ou commissions versées actuellement. Cela implique aussi une reprise en main des marchés des produits agricoles par les états afin de fixer des prix équitables pour le producteur.

 

L’agro-industrie, déjà présente dans certains pays du continent, doit être systématiquement mise en place afin de permettre de fournir localement des produits semi-finis ou finis si possible.

 

 

  • L’industrie

 

L’implantation d’usines de fabrication de textiles, d’automobiles (chaînes de montage), de matériel informatique peut parfaitement se faire en Afrique francophone soit pour les besoins intérieurs soit pour l’exportation, aux alentours des ports.

 

Les raffineries et/ou complexes pétrochimiques qui existent sur place peuvent être adaptés afin qu’ils transforment les produits locaux pour les besoins des pays plutôt que de les réimporter après exportations des produits bruts en Europe.

 

Les multinationales ont aussi toute leur place, sous réserve qu’elles garantissent leur indépendance par rapport au pouvoir politique en place dans leur pays d’origine. En lieu et place de leurs œuvres caritatives, il serait judicieux de leur offrir des possibilités de participation dans des programmes de développement.

 

Plus la France retrouvera sa position prépondérante en Afrique et plus elle retrouvera une place de choix au sein de l’Europe, ce qui n’est pas le cas actuellement. Elle a d’ailleurs peut être un choix à imposer à l’UE, et celui-ci ne serait pas négociable.

 

 

d) L’aspect financier et monétaire

 

Sur le plan financier et de la monnaie, il y a pour le moins une étude à faire des deux cotés.

 

• Faire le bilan de l’intérêt du franc CFA rattaché à l’euro et de sa convertibilité. Etudier peut être une monnaie commune à l’Afrique francophone mais qui serait flottante par rapport à l’euro.

 

• Voir le rôle des banques centrales, leur lien avec la BCE, la dynamisation de l’ensemble pour un accès au crédit pour l’investissement plus performant qu’actuellement, la possibilité d’interventions sur des marchés extérieurs à la zone UMEOA et UMAC.

 

• En ce qui concerne le FMI et la banque mondiale, leur intervention devrait se limiter à la délivrance de garantie de solvabilité sur des opérations d’investissements agricoles ou industriels. Les prêts et aides non remboursables distribués jusqu’à maintenant ont montré leur limite et leur inefficacité, et ont plutôt un effet néfaste sur les bénéficiaires.

 

• Faire participer les fonds de placement au développement économique et social en leur proposant des investissements rentables et sécurisés dans les banques et les assurances.

 

• Augmenter les capacités de rétention des primes en réassurance et assurance sur le continent africain et faire participer les compagnies à la micro-assurance. Dans ce secteur, il serait bon de faire évoluer les possibilités de placement en accord avec la CIMA.

 

• Utiliser au maximum les capacités de financements panafricains dans les projets avant d’avoir recours à des financements extérieurs au continent.

 

e) Les infrastructures

 

Sur le plan des infrastructures, le réseau routier est souvent mal entretenu et la suppression des TP n’a pas été une bonne chose. Mais le transport routier en Afrique vu les distances, ne me paraît pas le plus approprié, et le rail nécessite des investissements plus lourds mais peut-être moins d’entretien dans le temps.

 

Le rôle de la France est de s’impliquer dans de grands projets panafricains comme les chemins de fer avec l’établissement de lignes reliant des pôles économiques africains, nord/sud et est/ouest. Le développement économique passe par les transports et les communications. Pourquoi, d’ailleurs sur des projets d’une telle ampleur ne pas associer ou collaborer avec la Chine et les pays asiatiques par la participation au financement et à la réalisation.

 

Pour les transports, l’installation d’aéroports internationaux sur l’ensemble des deuxième villes des pays me paraît indispensable et étendre aux zones commerciales, touristiques et industrielles.

 

Une participation prioritaire dans la réhabilitation des hôpitaux, universités et écoles, serait un projet d’amorce d’une nouvelle coopération.

 

Une bonne collaboration entre la France et l’Afrique, c’est une diminution du chômage des deux côtés et un développement économique durable des deux continents.

 

 

3. Les aides internationales, les organismes internationaux, les ONG

 

  • Les aides internationales, telles que conçues jusqu’à maintenant, ne sont pas les bienvenues en Afrique, car elles maintiennent la dépendance des états auxquels elles sont destinées. Il est souhaitable de remplacer ces aides par des participations à des investissements de grande importance, tels que des GIE ou autres structures soit interétatiques soit paraétatiques.
  • Les organismes internationaux tels que la Banque mondiale, le FMI, l’AFD, etc.……… devraient intervenir, comme a d’ailleurs commencé à le faire l’AFD, par le développement du secteur privé et la garantie des investissements plutôt que par un rôle de banquier. Ces mêmes organismes qui ont plutôt une action néfaste auprès des états en préconisant des mesures purement occidentales dans un milieu culturel qui n’appréhende pas ce mode de raisonnement, devraient prendre en considération les réalités locales. Combien de fois a-t-on vu préconiser des licenciements dans des sociétés paraétatiques ou dans l’administration africaine, alors que l’économie réalisée est minime, sachant que le SMIC de ces pays est très faible. Par contre le coût psychologique et économique est lourd, car une seule personne en Afrique nourrit une famille au sens large.
  • Les ONG étrangères au continent africain doivent être plus surveillées car elles sont quelquefois le paravent d’organisations politiques, ou des exutoires fiscaux pour de hauts responsables des deux continents. Ces ONG doivent être intégrées dans des programmes plus vastes et restées sous contrôle des états ou d’organismes internationaux. Il y a peut être lieu de revoir le statut associatif et de définir sous quelles conditions il doit être délivré.

 

4. Le secteur social

 

a) Les hôpitaux, le système scolaire et l’éducation plus généralement doivent faire l’objet d’échanges de formation et de compétences.

 

  • Pourquoi ne pas créer des antennes de nos centres de recherche en médecine tropicale dans les institutions équivalentes en Afrique, elles auront l’avantage d’être sur le terrain et les chercheurs dans le milieu concerné.
  • En ce qui concerne l’université, au lieu de financer des études en France par des bourses, essayer de rétablir une équivalence de niveau entre les écoles et universités françaises et locales pour que les universités locales permettent ensuite de poursuivre des spécialisations en France. Les bourses interviendront à un niveau supérieur, troisième cycle ou plus.

 

b) Les ministères qui sont dans la plupart des pays en triste état peuvent nous permettre de faire un retour en participant à une réhabilitation ou modernisation structurelle ou matérielle. Cela peut être une porte d’entrée pour faire amende honorable et redorer notre blason.

 

5. Conclusion

 

Pour conclure cette analyse, dont l’étude pourra être approfondie dans chaque domaine listé tant pour les moyens et les financements à mettre en place, il est certain, que dans la situation actuelle et au vu des interventions débridées des autorités françaises en Afrique francophone et ailleurs, la politique de la France pour revenir sur la scène africaine devra faire beaucoup de concessions.

 

La mise en place d’une coopération publique et privée, complètement décomplexée et sans langue de bois, est une condition « sine qua non » à l’établissement de nouvelles relations.

 

 

 

D.SORY